dimanche 8 septembre 2013

Belmondo et "Un singe en hiver" au Festival Lumière: la croisée entre cinéma à papa et nouvelle vague

Bonjour à tous,

Quoi? Un singe en hiver en ouverture du Festival Lumière? Quelle idée? Certains ronchons vont trouver la programmation saugrenue, pas à la hauteur d'un événement qui annonce Tarantino comme lauréat du Prix Lumière et une série de rétrospective invraisemblable et hétéroclite. D'autres se délectent déjà de ce plaisir que de voir, et certainement revoir ce bijou de fantaisie du cinéma français, et sur un très très grand écran! Parce que ceux là ne prennent pas le cinéma pour ce qu'il n'est pas. Un art snob.
Non, le cinéma, celui que le directeur du Festival célèbre pour la cinquième fois à Lyon, est un cinéma qui veut rassembler toutes les cinéphilies. Et quoi de plus juste alors que ce double choix?
Tarantino pour le prix Lumière. Connaît-on plus amoureux du cinéma, lui qui n'arrive pas à envisager de voir des films autrement que sous la forme de pellicule? C'est le récipiendaire parfait pour l'esprit Lumière. Celui qui touche tous les publics.
Un singe en hiver en ouverture. Existe-t-il un film qui symbolise à ce point l'unité retrouvée d'un cinéma français qui rayonnait alors dans le monde entier?
Parce que pour le coup, il faut s'arrêter un petit moment sur ce film.

En 1962, Henri Verneuil retrouvait pour la troisième fois le monstre du cinéma hexagonal, Jean Gabin, et notamment un an après Le président, biographie d'un président du conseil imaginaire qui aurait pu ressembler à Clémenceau mais aussi à de Gaulle. Verneuil s'entoura aussi du fidèle Michel Audiard. Quatrième collaboration. Et quelle collaboration! Une adaptation somptueuse du livre d'Antoine Blondin, respectueuse de la poésie de celui qui aimait aussi le peuple, sans aucune acception péjorative à ce mot.
Enfin, le deuxième personnage principal est tenu par Jean-Paul Belmondo. Mais d'où sort-il celui-là? Que vient-il faire dans ce cinéma qui ne le regarde pas, lui le comédien tellement lié à Godard qu'il semble porter à lui tout seul l'idée même de la Nouvelle Vague qui a tant raillé le cinéma de Verneuil, de Gabin et des autres, Nouvelle Vague qu'Audiard étrillait à son tour, rappelant qu'elle était devenue plus vague que nouvelle!
Voici donc, comme dans les jeux pour enfants, celui de cherchez l'intrus. Pourtant, tout semble fonctionner à merveille. Film passage de témoin entre le monstre sacré et le jeune premier promis à une carrière monstrueuse à son tour. Les voici les deux en train de s'apprivoiser, l'un à essayer de changer de vie, l'autre à vouloir retrouver la sienne. Le point d'intersection est l'alcool, la gnôle, le vin, tout ce qui se boit et conduit à l'ivresse. Parce qu'Audiard sait, mieux que quiconque, faire dire à ses personnages, des répliques dites cultes, devenues parfois aphorisme. "Si quelque chose devait me manquer, ce ne serait plus le vin, ce serait l'ivresse" dit un Gabin devenu sobre pendant des années à son épouse, Suzanne Flon, épouse modèle.



Que s'est-il donc passé? Albert Quentin a rencontré Gabriel Fouquet. En vérité, Gabin a rencontré Belmondo. Car c'est bien cela que Verneuil a réussi à faire. Comme en mathématiques, il y a un point de symétrie entre ces deux binômes, l'un de personnages de fiction, l'autre d'acteurs. C'est Suzanne Flon qui fait office de point de symétrie, elle dont le prénom est le même que celui de son personnage. Cela laisse penser que cette rencontre était bien la réunion voulue par Verneuil de deux cinémas, dont l'un aurait commencé à ennuyer ferme la jeunesse. Gabin / Quentin s'ennuie aussi dans son confort.Et il le fait savoir à Suzanne qui veut le maintenir dans sa quiétude. Il faut alors lui entendre dire ce qu'il ressent de ses années d'abstinence et de mesure dans son hôtel de la côte Normande:
"Ecoute ma bonne Suzanne, tu es une épouse modèle. Mais si, tu n'as que des qualités et physiquement, tu es restée comme je pouvais l'espérer, c'est le bonheur rangé dans une armoire. Et tu vois, même si c'était à refaire, je crois que je t'épouserais de nouveau... mais tu m'emmerdes. Tu m'emmerdes, gentiment, affectueusement, avec amour. Mais tu m'emmerdes!"

Mais à revoir, c'est tout de même mieux!



Et c'est alors parti pour une aventure improbable entre deux êtres que tout oppose. L'âge, les rêves, le présent et le passé. Quand Gabin se remémore la Chine et le Yang Tsé, nostalgie d'une France impériale qui n'est plus, Belmondo rêve de l'Espagne, déjà l'Europe, horizon moins lointain mais plus réaliste quant à ce vers quoi doit désormais s'orienter la puissance française.
Ces deux France se téléscopent autour d'une culture commune, le vin, mais sont déjà de deux mondes différents. Le village normand renvoie au monde traditionnel, à la ruralité. Belmondo est un urbain, nomade volontaire, aventurier moderne pour les anciens attachés à leurs terres.

Le résultat du film est saisissant. Audiard a su écrire pour Belmondo une partition formidable qui laissait à Gabin sa stature de commandeur et au jeune acteur la place nouvelle que le cinéma nouveau pouvait convoiter. Verneuil fit un coup de maître. Qu'il allait rééditer l'année suivante avec l'autre étoile montante du cinéma français, attaché au cinéma de Visconti. Dans Mélodie en sous-sol, Gabin rencontrait aussi Delon comme il avait rencontré Belmondo un an auparavant.

Belmondo n'allait plus tourné ensuite avec Gabin mais il fut régulièrement le premier rôle d'Henri Verneuil, le cinéaste qui avait réuni les deux branches du cinéma français. Le schisme allait durer malgré tout longtemps. Belmondo ne participa pas à ce conflit sans intérêt. C'est ce qui fait de lui un des comédiens préférés des Français, monument du 7ème art à part entière. Ainsi, programmer en soirée d'ouverture du 5ème Festival Lumière Un singe en hiver, c'est renouer avec ce que Verneuil avait réussi.
Mais inviter Jean-Paul Belmondo sur la grande scène de la Halle Tony Garnier de Lyon, c'est rendre hommage à l'immense artiste qu'il est, qui ne s'est jamais pris pour autre chose que ce qu'il n'était, un comédien, maillon d'une chaîne d'un art populaire de qualité. Adulé par les admirateurs de Godard, reconnu pour ses interprétations de films de Lelouch, pitre mémorable pour Lautner, Jean-Paul Belmondo a plus que sa place au Festival Lumière. Il est la synthèse exacte de ce que Thierry Frémaux recherche dans ce Festival, amoureux du cinéma, du cinéma pour tous si j'osais le dire.


Un singe en hiver, soirée d'ouverture du Festival Lumière, 14 octobre 2013 (déjà complète)
Et pour le voir pendant le festival, consulter le site du Festival Lumière 2013
http://www.festival-lumiere.org/

À très bientôt
Lionel Lacour



jeudi 29 août 2013

Belle et Sébastien en avant première au Festival Lumière 2013

Bonjour à tous,

comme chaque année, le Festival Lumière propose une séance pour les enfants, mais aussi les plus grands, avec goûter offert!
L'an dernier avait été l'occasion de redécouvrir E.T. l'extraterrestre pour célébrer son trentième anniversaire en copie restaurée à l'identique de sa sortie. Cette année, c'est à une avant première que les jeunes spectateurs seront conviés. En effet, le réalisateur Nicolas Vannier, spécialiste des tournages des espaces sauvages (Le dernier trappeur et Loup) a réalisé Belle et Sébastien pour le grand écran, adaptation de la série télévisée mythique des années 1960, série écrite et réalisée par Cécile Aubry, à qui on devait déjà en 1960 la série Poly, l'histoire d'un poney particulièrement intelligent.
Le succès de Belle et Sébastien fut international et a même eu droit à une déclinaison "manga" réalisée en 1981 et distribuée elle aussi dans le monde entier.

Ainsi donc, voici que cette histoire est adaptée au cinéma pour le grand écran et produit par Gaumont, société qui entretient des liens forts avec le festival Lumière, proposant chaque année des copies restaurées et des conférences sur les techniques de restauration des films de leur catalogue.

Il est à parier que cette histoire d'amour entre un jeune orphelin recueilli par un vieux montagnard dans les Alpes et un gros berger des Pyrénées ravira les petits, et espérons les parents voire grands-parents qui les accompagneront. Ce sera surtout l'occasion de retrouver une histoire revisitée pour plaire aux spectateurs de 2013, soit près de 50 ans après la diffusion du premier épisode, en noir et blanc.


La surprise sera d'autant plus intéressante que les différentes intrigues proposées par Cécile Aubry seront forcément adaptées du fait des mutations géopolitiques ou sociétales que l'Europe et la France ont connues depuis.
Par exemple, Norbert, personnage ambigu de la version originale puisque espion, existera-t-il dans le film de Nicolas Vannier? De même, Sébastien sera-t-il accueilli par César parce qu'il est un orphelin rescapé après que sa mère l'a laissé dans un refuge? Avec le développement des moyens de communication, la maison de César, si isolée du monde en 1965, restera-t-elle ce point quasi éloigné de la civilisation?
Le point de vue adopté par le réalisateur aura décidé si l'action reste située dans les années 1960, conformément à l'histoire originale, et l'isolement sera cohérent, ou si elle a été déplacée à notre époque,  modifiant de fait l'isolement des protagonistes.


En tout état de cause, pour savoir ce qu'il en est, pour faire découvrir cette belle histoire aux plus jeunes ou découvrir cette adaptation contemporaine, cette séance est encore une bonne occasion pour participer au Festival Lumière. Elle se déroulera à la Halle Tony Garnier, haut lieu du Festival pour les grandes manifestations (Soirée d'ouverture, nuit thématique, cette année avec une rétrospective Monty Python, et enfin séance de clôture).



Date de projection de Belle et Sébastien au Festival Lumière: 
MERCREDI 16 OCTOBRE 14h30
HALLE TONY GARNIER
20 rue Marcel MÉRIEUX
69007 
METRO Ligne B

(Avant Première - sortie officielle du film: 18 décembre 2013)

Pour toute information ou réservation, 
consulter le site
http://www.festival-lumiere.org
ou par téléphone: 04 78 76 77 78



À très bientôt
Lionel Lacour

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mercredi 28 août 2013

Rendez-nous l'île aux enfants!

Bonjour à tous,

D'accord, je vais évoquer avec nostalgie une série des programmes jeunesse de TF1 à une époque que les moins de 20 ans (et peut-être plus) ne peuvent pas connaître, sinon par les extraits que les émissions se nourrissant des archives télévisuelles proposent à des spectateurs en quête de retrouver des émotions d'enfants de la télé. Pardon pour cet article éloigné du cinéma. Il est même complémentaire. Quand je vais au cinéma, j'ai une démarche active. C'est pareil pour les enfants qu'on emmène voir un film. Les parents choisissent normalement un film en fonction des valeurs qu'ils souhaitent transmettre à leur progéniture, sauf pour les plus fondus des parents! Alors pourquoi ce ne serait pas la même chose pour la télévision?

La rentrée à l'Institut Lumière: chef-d'œuvre oublié et intégrale Desplechin !

Bonjour à tous,

est-il nécessaire de rappeler que l'Institut Lumière propose une programmation patrimoniale en dehors du Festival Lumière, véritable moment paroxystique des cinéphiles de tous bois? Ainsi, dès ce vendredi 30 août, la salle du hangar, qui a fait peau neuve pendant les vacances, ouvre ses portes pour accueillir dans des fauteuils tout neufs et confortables, les aficionados du cinéma d'hier et d'aujourd'hui.

Cinéma d'hier d'abord: venez découvrir Fedora à 19h. L'avant dernier film et œuvre méconnue du grand Billy Wilder est considéré parfois comme une sorte de suite de Sunset Boulevard. Tourné en 1978, le film rassemble William Holden, Marthe Keller et fait appel à des invités dans leur propre rôle comme Henry Fonda ou Michael York pour un film tout en décalage sur le monde du cinéma.

Cinéma d'aujourd'hui ensuite: ouverture à 21h de la rétrospective intégrale du cinéaste français Arnaud Desplechin avec la projection d'Un conte de Noël. Le film, réalisé en 2008, propose un casting en or avec Mathieu Amalric ou Emmanuelle Devos, fidèles du réalisateur, mais aussi Catherine Deneuve, Melvil Poupaud ou encore Hippolyte Girardot. Présenté par Alban Liebl, Un conte de Noël, drame familial grinçant, sera une mise en bouche avant de voir ou revoir les longs métrages du réalisateur français, dont La sentinelle qui l'avait vraiment révélé au grand public en 1992, Rois en reine, peut-être son film le plus personnel et le plus abouti, réalisé en 2004, et tous les autres encore.

La programmation complète de cette intégrale ainsi que celle de cette toute fin d'août et du mois de septembre est à retrouver sur le site de l'Institut Lumière: www.institut-lumiere.org
Réservation des places possible par téléphone au 04 78 78 18 95

À très bientôt
Lionel Lacour