vendredi 31 décembre 2010

Chantons sous la pluie

                                                                              
Bonjour à tous

La semaine qui arrive va voir la programmation sur la chaîne satellite Cinécinéma Famiz la comédie musicale Chantons sous la pluie de Stanley Donen à 20h40.
Ce film, que j'avais programmé pour les "lundi du MégaRoyal" en mai 2010 pour un cycle "Comédies musicales" a été projeté à l'ouverture du Festival Lumière 2010 en une copie restaurée éblouissante.

Réalisé en 1952 par Stanley Donen, avec Gene Kelly à la chorégraphie et en premier rôle, ce film est certainement une des plus belles comédies musicales qui ait été tournée.

Le film reprend tout d'abord de très nombreux standards de la culture américaine, à commencer par la chanson qui donne son titre au film et autour de laquelle le film a justement été construit.
Pour tous ceux qui seraient assez rétifs aux comédies musicales, peut-être parce que vous pensez à ces ignominies  qui nous sont proposées sur scène en France depuis des années, prenez le temps de regarder seul, en couple ou en famille ce bijou.


Bande Annonce:



De l'art de réaliser un vrai film de cinéma et pas un film de danse
Loin de n'être que des scènes de danses filmées, la collaboration Donen/Kelly fait marveille à l'écran. D'abord parce que Kelly est un génie de la danse à laquelle il apporte un aspect plus "sportif", plus physique que l'illustre Fred Astaire. Cet aspect lui permet donc d'envisager des séquences spectaculaires mêlant numéros classiques de claquettes aux danses de salon tout en allant parfois vers des numéros dignes du cirque. Chaque chanson donne une chorégraphie adaptée à la situation, où parfois seul le visage de Donald O'Connor semble être la partie en mouvement de son corps ! Mais c'est surtout par son sens de l'humour et de l'autodérision que Kelly réussit à nous faire accepter une bluette mièvre en une histoire merveilleuse de drôlerie et finalement d'amour.
S'appuyant sur un scénario d'Adolph Green et Betty Comden, Stanley Donen s'accapare, et de l'histoire, et du talent de chorégraphe de son ami Gene Kelly pour apporter le sien: celui de savoir faire bouger sa caméra jusqu'à nous enivrer, celui de faire des gros plans plus ridicules les uns que les autres sur un Gene Kelly suffisant (dans le film!) ou de jouer sur des superpositions entre le premier plan et l'arrière plan.

Pour ceux qui n'auraient jamais vu ce chef d'oeuvre, je ne citerais que la scène phare, car c'est la plus connue et qu'elle ne révèle rien de l'histoire. Quand Don Lockwood, interprété donc par Gene Kelly, tombe amoureux de Kathy Selden, interprétée par Debbie Reynolds, il se retrouve seul dans la rue à chanter son amour. Là est donc l'occasion du fameux "Singing in the rain". Cette chanson, en ouverture de générique et en clôture du film se retrouve encore en plein milieu de l'histoire dans une chorégraphie où Gene Kelly investit une rue alors qu'il pleut. Cette chorégraphie célèbre montre un personnage devenu complètement "idiot" par l'amour, simulant de diverses manières le fait qu'il ne ressent pas l'eau qui tombe que ce soit en se mettant sous un cheneau déversant l'eau de pluie ou marchant et sautant dans les flaques situées au pied des trottoirs. En très peu de plans, Stanley Donen réussit donc à suivre Kelly qui virevolte, passant du gros plan sur son visage ruisselant à des mouvements de grue reculant verticalement tandis que Kelly fait des circonvolutions avec son parapluie ouvert et tendu devant lui.


Là où bien des réalisateurs se seraient contentés, aujourd'hui encore, de ne faire qu'une suite de plans sur la danse interprétée par Gene Kelly, Stanley Donen apporte son talent de cinéaste. Ce qui lui importe n'est pas la danse, mais ce que la danse amène à comprendre des sentiments de Lockwood/Kelly. Et ce n'est pas pour rien que cette séquence a été depuis reprise, pastichée, caricaturée des dizaines de fois, dans des films, des clips ou des publicités.

Un film sur le cinéma!
L'histoire d'amour du film s'appuie sur un fond très sérieux et traité, comme l'histoire d'amour, avec beaucoup d'humour. Le film relate en effet les difficultés du passage du cinéma muet au cinéma parlant, à la fois pour les sociétés de production mais aussi pour les comédiens et comédiennes.
Pour les premiers, il s'agit de s'adapter à une nouvelle technologie. En ce sens, ce film nous renvoie à ce que nous connaissons dans notre présent avec ces nouvelles technologies qui apparaissent et qui poussent les sociétés à s'y adapter... ou à mourir. Les plus jeunes ont peut-être déjà oublié Sega, qui en son temps concurrençait Nintendo! Le clogan "Sega, c'est plus fort que toi" a fait long feu!
En ce qui concerne les comédiens des films muets, ils ont eu eux aussi dû s'adapter au parlant. Et nombre d'acteurs et d'actrices ont alors disparu des écrans. C'est ce que le film montre magnifiquement et avec un humour féroce, aux dépens du personnage qui était l'héroïne habituelle des films dans lesquels Lockwood jouait, et dont la voix ne passait pas à l'écran, et c'est un euphémisme!
Chantons sous la pluie montre d'ailleurs que le "parlant" d'ailleurs ne s'imposa après le premier du genre Le chanteur de jazz de Alan Crosland réalisé en 1927 qu'en copiant d'abord ce qui avait fait son succès. Ce premier parlant était déjà un film "musical" qui révéla Al Jolson aux spectateurs américains. Dans Chantons sous la pluie, le passage du muet au parlant passe alors aussi par l'adoption, on le verra forcée par les événements, d'une comédie musicale.
Chantons sous la pluie est donc un merveilleux moyen pour découvrir le cinéma, ses mutations, les studios dans lesquels ont pouvait jouer avec les décors, faire un western d'un côté, un film d'amour de l'autre, en passant d'un plateau à l'autre. Stanley Donen nous donne à voir la magie du déjà virtuel, ce réel à l'écran qui n'est qu'artifice, avec notamment la postsynchronisation qui permet de donner la plus belle voix à celle qui parle, ou chante, comme un canard, donnant lieu à des gags désopilants.

Pour conclure, ce film nous rend plus heureux après l'avoir vu qu'avant. Il nous étourdit par le talent de la réalisation qui combine l'histoire d'amour entre Don Lockwood et Kathy Selden, l'histoire du cinéma passant de l'ère du muet à celle du parlant, en sachant faire des séquences de danse de véritables moments pour faire avancer la narration ou comprendre l'évolution des sentiments des personnages, tout en nous montrant que le cinéma n'est qu'illusion et dérision, mais en nous permettant finalement de croire à tous les rêves qui nous sont transmis à l'écran et dans lesquels on aime tant se projeter!
Un film majeur donc, à voir sur CinéCinéma Famiz cette semaine, ou en DVD ou, et c'est le mieux, sur grand écran.

Et si vous avez l'oeil, vous repèrerez Cyd Charisse qui n'était pas encore la vedette et Rita Moreno qui jouera Anita dans West side story.

A très bientôt et très bon réveillon!

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